Carnivale
J’ai terminé le coffret de la saison 2 de Carnivale il y a peu et j’ai donc eu envie de vous en parler. Je ne me suis pas lancé dans des reviews épisode après épisode car je trouve cette série avant tout contemplative et très complexe. On vit Carnivale avant tout et le raconter donnerait selon moi moins d’impact au récit. C’est une série assez hermétique mais une fois que l’on se prend au jeu c’est une série formidable mais avant tout un véritable ovni télévisuel qui ne ressemble à aucune autre série passée ou présente.
D’abord qu’est ce que Carnivale ? L’histoire prend place dans les années 1930 de l’entre deux guerres et de la grande dépression et gère deux récits parallèles mais qui sont destinées à ne plus faire qu’un seul. Le premier récit suit une troupe de forains qui peut s’apparenter à une troupe de monstre de foire. Ceux ci sont géré par le " Managment " que l’on ne voit jamais et qui se dissimule derrière un rideau. Samson, un nain, bras droit de cette étrange direction dirige la troupe. On y trouve aussi Lodz, un magicien télépathe qui est le seul en dehors de Samson a avoir des contacts avec le managment. Jonesy est l’homme de main de Samson, amoureux de la cartomancienne Sofie qui tient ses pouvoirs divinatoire de sa mère plongée dans un état catatonique. On peut ajouter également d’autres personnages plus ou moins secondaires mais qui auront également leur propre intrigue. comme Lilla la femme à barbe mariée au professeur Lodz ou la famille Dreifuss dont les femmes du clan sont des danseuses nues et plus si le client y met le prix. Et pour finir, il y a Ben Hawkins, un bagnard recherché par la police qui intègre la troupe dans l’épisode pilot sur la volonté du Managment. Ben est un garçon renfermé sur soi qui possède un don de guérison mais qu’il n’est pas prêt à accepter. Mais que le managment est bien décidé a utiliser pour des desseins plus ou moins vagues.
Loin de là en Californie vit le frère Justin et sa sœur Iris. Brother Justin est un pasteur zélé qui est persuadé qu’il doit sauver sa communauté de tous leurs péchés et pour cela tout les moyens sont bons, y compris les moyens les moins catholiques. En particulier quand il entraîne les pécheurs dans ses visions afin de les confronter à leurs péchés. Tout comme Ben, Justin possède un pouvoir qui l’effraie au départ, un pouvoir de mort. Ainsi lors de l’épisode pilot il exhortera une pécheresse en lui faisant recracher des pièces de monnaies car elle en a volé une lors de l’office . Mais la foi de Justin qui devient de plus en plus radicale au fil du temps est elle guidée par Dieu ou une autre puissance maléfique ? On trouve également autour du frère Justin, le révérend Balthus, l’homme qui a recueilli Justin et Iris quand ils étaient enfants ainsi que Tommy Dolan un animateur radio qui s’intéresse au frère Justin mais aussi à Iris mais celle ci est bien trop prise à servir son frère et le seigneur pour s’intéresser à un autre homme.
La série est donc basée sur cette lutte antagoniste entre le bien et le mal mais ni l’un ni l’autre n’est facile à déchiffrer. Justin n’est pas le mal personnifié vu qu’il prend sous son aile les migrants qui traversent le pays dans l’espoir d’un avenir plus heureux et cela malgré la désapprobation de la classe politique de la ville. Lodz est un personnage ambigu entre le vieux sage et l’homme obsédé de pouvoir alors que Ben prend son don comme une malédiction. Le bien est ici représenté par un jeune garçon peu sur de lui dans une troupe de sales timbanques alors que le mal est tapis au sein même de la " bonne " société. La série est également emprunte de mysticisme et peu faire penser aux récits de l’apocalypse. Texte dont Justin fait à de nombreuses références lors de ses prêches de plus en plus virulents emprunt aussi de politique . Chacun de nos deux antihéros sera amené à accepter son destin pour le meilleur mais surtout pour le pire. La première saison correspond à la découverte de ce don et de l’acception de celui ci. Le managment a travers divers tests forcera petit à petit Ben Hawkins à accepter son don pendant que Justin se laissera guider par ses rêves. La saison 1 est particulièrement lente et complexe et on ne comprend pas toujours les différents éléments qui nous sont présentés. D’où peut être cette impression d’ennuies car il n’y à pas beaucoup d’action mais beaucoup de mystères. La deuxième saison est centrée sur la recherche d’Henry Scudder, le père de Ben qui est d’un intérêt de plus en plus croissant pour le managment et pour le frère Justin. Ce ne sera qu’à partir de cette saison 2 que les différents éléments développés précédemment prendront tout leur sens sans pour autant être expliqués clairement. C’est avant tout au téléspectateur de mettre en place les différentes pièces du puzzle où chaque détail compte.
La série pousse l’antagonisme de Ben Hawkins et du frère Justin jusque dans l’interprétation de ses acteurs : Nick Stahl et Clancy Brown. Brown impose par son charisme et par l’exaltation de son personnage qui s’impose comme un véritable leader, le mal à quelque chose de séduisant. A l’opposé, le jeu de Nick Stahl sobre et effacé est sans doute même plus dur car il doit faire passer toute la bataille intérieur de Hawkins avec un minimum d’expression, le jeune étant taiseux et renfermé. Si bien sur, tout le focus se fait sur ses deux acteurs, le reste du casting tire admirablement son épingle du jeu. Michael J. Anderson est petit par sa taille mais grand par son talent. Ok, c’est un peu facile à dire mais ça n’en est pas moins vrai. Debra Christofferson campe une femme à barbe limite sexy alors que qu’Amy Madigan se fait de plus en plus inquiétante au fur et à mesure du récit dans le rôle d’Iris Crowe.
Un autre aspect particulier de Carnivale est son esthétique particulièrement soigné où sont mis en valeur des paysages de désert et de tempêtes de sable, tout autant que la nuit éclairée par la grande roue de la troupe de forains. On pourrait presque faire des arrêts sur image de chaque plan tellement ceux ci ressemble à des tableaux ou à des photos d’artistes. Les rêves de Justin ou de Ben sont eux beaucoup plus colorés, comme pour trancher avec le quotidien.
Plus qu’une série télé, Carnival est un véritable ovni télévisuel. On vit et on ressent Carnivale, on se laisse envoûter par cette série qui peut vous suivre des jours et des jours à la manière de certaines œuvres de Lynch tels que Mulholland drive ou Twin peaks. Comme pour ces deux productions, on se dit que l’on ne retrouvera plus jamais après une telle ambiance. C’est là que la fin de Carnivale est très frustrante car elle laisse le jeu grand ouvert suite à son annulation par la chaîne HBO. Laissant libre cours au téléspectateur d’imaginer la suite de ce récit.